Même s’il est situé dans le département de l’Ardèche, Le Goul de Tourne est une résurgence dite vauclusienne, par assimilation sans doute à sa grande sœur la Fontaine-de-Vaucluse. Ce goul, ou plutôt ces gouls, puisqu’il y en a deux au point le plus au nord de notre périple de ce jour 3 novembre 2024, donnent naissance au plus petit affluent du Rhône. La Tourne qui sourd de cette falaise calcaire parcourt en effet moins d’un kilomètre avant de se jeter dans le Rhône. Même si l’on compte parmi ses sources le ruisseau de la Sardagne qui l’alimenterait occasionnellement au gré des épisodes pluvieux en amont, cela porte la distance entre la source et la confluence avec le Rhône à moins de huit kilomètres.
Nous avons eu la chance de le voir en eau ce 3 novembre, avec un débit certes modeste mais suffisant pour apprécier la réalité géologique d’un site que peu et peut-être même aucun de nos participants à cette rando connaissaient. Car cette curiosité des paysages calcaires de la région, tout entière incluse dans la ville de Bourg-Saint-Andéol, était le but de notre sortie de ce dimanche. Outre bien entendu celui de se livrer à notre activité favorite qui selon le dicton en un seul jour nous fait gagner une semaine de santé. Par les temps qui courent c’est toujours ça de pris. Et puisqu’on parle du temps qui passe, extrapolons vers le temps qu’il fait, ou faisait ce jour-là, un temps à faire regretter leur asservissement passif à ceux restés devant des écrans.
Il y avait de l'eau, mais la Tourne en crue c'est quelque chose !!! (2014)...
Nous étions quatorze moins un, pour ne pas asticoter les superstitieux, au départ de cette journée de randonnée. Je ne sais pas si marcher à ce nombre redouté de certains est aussi risqué que de s’asseoir autour d’une table, nous n’en étions pas moins au complet autour de la glacière en fin de périple. Glacière dont on peut aussi décrire le périple puisque confectionnée par Benoît, elle est arrivée au forum des Angles dans la voiture de Pierre-Jean, s’est transformée en accoudoir central arrière dans la voiture du président pour enfin nous prodiguer ses rafraîchissements à Saint-Marcel-d’Ardèche. Car figurez-vous que même en ce début de novembre, le temps n’était pas encore à briguer chocolat chaud et verveine, mais peut-être plus à se badigeonner le nez à la crème solaire. Vous l’avez compris il faisait un temps à ne pas enfermer un randonneur.
Notre point de départ était fixé à Saint-Marcel-d’Ardèche et sommes partis plein nord, longeant le Rhône sur ses hauteurs couvertes de vignes, mais sans jamais le voir. Mettant nos chevilles à l’épreuve des galets façonnés par ce même Rhône, en entorse non de la cheville fort heureusement mais à notre fidélité aux lapiaz du Gard. Alternant PR, GR 42 et chemins non balisés mais pas moins praticables, pour finir sur quelques routes plus agricoles que nationales, nous parvenons au sud de Bourg-Saint-Andéol, ville riveraine du Rhône, que nous ne verrons toujours pas, et site de notre point d’intérêt de ce jour.
Il est vrai que nous ne ferons que l’effleurer cette ville par ses quartiers résidentiels ouest car c’est là que la Tourne depuis des temps immémoriaux a décidé de réapparaître au jour et fournir aux habitants de la ville l’eau filtrée dans les profondeurs du sol. Des fontaines réparties en ville et construites au XVIIème siècle ont permis aux Bourguesans, les habitants de Bourg-Saint-Andéol vous l’aurez compris, de bénéficier de cette manne fraîche et pure.
Ce site du Goul de Tourne est un endroit mythique et peut-être même mystique. Dans les temps où l’homme n’avait pas la prétention de tout expliquer par ses algorithmes, les bienfaits comme les méfaits de la terre trouvant leur exégèse dans des aumônes ou des châtiments des dieux, les plus attentifs auront aperçu entre les deux gouls un bas-relief, certes quelque peu érodé, datant du troisième siècle de notre ère, gravé dans le pan calcaire de la falaise et dédié au Dieu Mithra, représentant la mise à mort d’un taureau. Ce dieu tiré de la mythologie Indo-Perse était en vogue au IIIème siècle dans le monde gallo-romain. A chaque époque ses modes. Les plus curieux d’entre les lecteurs de ce blog trouveront dans l’encyclopédie en ligne, laquelle a désormais déclassé toutes nos vieilles reliures, de quoi satisfaire leur appétit de l’histoire d’un temps où aucun dieu ne revendiquait le monopole sur les consciences.
Outre la résurgence de la Tourne, ce bas-relief n’est pas le seul attrait du site. Le XIXème siècle y a connu l’édification d’un lavoir dont l’architecture avec ses nombreuses colonnes n’est pas sans rappeler quelque temple gréco-romain. Les constructeurs de l’époque ont eu à cœur de conserver à cet endroit quelque majesté antique évitant ainsi les constructions métalliques chères à Baltard ou Eiffel en vogue en ce siècle.
Lavoir de Tourne
Il est trop tôt pour faire la pause à mi-parcours lorsque nous avons gravé en nos mémoires et en ces appareils qui ne nous quittent plus les souvenirs de ce site exceptionnel. Nous quittons le Goul de Tourne par un sentier logeant un ruisseau à sec sous les viaducs routier et ferroviaire, lequel nous extrait de Bourg-Saint-Andéol plus vite que nous n’y sommes parvenus. Le temps est venu d’infléchir notre trajectoire vers l’ouest puis vers le sud pour regagner notre point de départ. Après avoir rejoint les hauteurs calcaires, l’appétit favorisé par l’effort nous commande de faire la pause méridienne. Le site qui s’impose est celui de l’aven de Darbousset, inscrit sur la carte mais que l’on n’a pas eu la veine de trouver (elle était facile je vous l’accorde). Sans doute a-t-il été obstrué par le massif en béton qui a accueillis nos augustes et nous a permis de nous sustenter avant de repartir. Les allusions culinaires désormais éteintes dans les conversations nous cheminons entre vignes et garrigues, collines et vallons sans véritable difficulté, alternant encore entre PR et GR42. Les points de vue ensoleillés flattent l’œil, le groupe des vaillants de cette journée va bon train.
Passé le dernier col, Saint-Marcel d’Ardèche se dévoile au dernier moment pour conclure cette incursion dans le sud de l’Ardèche. Si j’en crois le planning de notre club il va nous fournir d’autres occasion d’y revenir. On retiendra de cette sortie à quatorze moins un, outre le site qui a agrémenté notre périple de sa touche culturelle, outre la convivialité qui est toujours de mise dans ses circonstances, l’exceptionnelle condition météo qui nous a permis de profiter des paysages de la basse Ardèche dans des conditions idéales pour la pratique de notre activité dominicale, sur un parcours de 16,8 km et 380 m de dénivelé.
Merci à Nathalie pour la touche finale gourmande en accompagnement des boissons fraîches tirées de la glacière.
Merci aux participants pour leur agréable compagnie sur les sentiers de la basse Ardèche.
Je leur dis à bientôt pour d’autres aventures.