Si l’on devait désigner une vedette de cette sortie du 12 mai, c’est bien la nature qui monterait sur le podium. Le Luberon nous a offert en cette journée ce qu’il sait faire de mieux : enchanter le regard de ses paysages dignes de la palette du peintre. Il faut dire que la météo a fait au cours des semaines passées ce qu’il fallait pour redonner au décor provençal en ce printemps le lustre qui fait sa renommée. Toute la gamme des verts constitue la toile de fond du décor depuis le vert vif de la feuille de vigne renaissante jusqu’au vert argenté de la feuille d’olivier, en passant par toutes les nuances intermédiaires. Les abords sont jonchés de coussins d’aphyllanthes de Montpellier, les talus rehaussés de l’or odorant des genêts, globulaires, centaurées, iris sauvages et tant d’autres plantes de garrigue dont les noms nous échappent mais qui ne manquent pas de nous faire nous féliciter d’en profiter en cette journée. Le soleil bien présent, mais pas trop, complète notre plaisir de profiter de la nature en cette journée.
Le point de départ de notre sortie est le monastère-abbaye Sainte-Madeleine du Barroux. On apprend sur le site de cette congrégation que l’édifice a été construit dans les années 80, que son église a été consacrée en 1989. Même si l’architecture rappelle quelques monuments du patrimoine plus anciens, les bâtiments et jardins ont bien le clinquant du neuf. D’autant que visiblement on ne peut mettre en défaut l’énergie de leurs occupants à en assurer un entretien parfait.
Le parking y est autorisé et gratuit, agrémenté de tables et bancs ombragés en sous-bois. C’est un atout indéniable pour en faire notre point de départ. D’autant que depuis ce dernier on rejoint immédiatement le sentier qui amorce notre boucle. Cette dernière s’engage sur une piste mono trace en sous-bois laquelle suit la courbe de niveau pour faire le tour du massif du Dévès. Des trouées dans les lisières nous offrent des vues profondes sur ce paysage de mai en Luberon, avec au loin les dentelles de Montmirail et leur décor minéral émergeant des garrigues et vignes stimulées par ce printemps 2024 bien arrosé.
3,5 km de cette mise en jambe sans véritable dénivelé et nous voilà au pied de cet autre décor d’aquarelliste qu’est le village bien provençal de La Roque-Alric. Le traverser ne nous permettrait pas d’en apprécier le décor de crèche. Une piste de contournement nous donne en revanche l’occasion de le faire et de figer le tableau dans les mémoires. On ne peut plus dire sur la pellicule mais désormais de manière moins poétique dans les mémoires de ces appareils qu’on dégaine à tout bout de champ, quelque fois pour téléphoner. La Roque-Alric admiré sous son plus bel angle et nous voilà déjà en route vers le prochain village qui jalonne notre parcours : Lafare. A contrario du précédent, ce dernier est niché en fond de vallée. Moins photogénique pour le coup, mais pourtant tout aussi pittoresque. Rappelant d’ailleurs quelques souvenirs de vacances à certain natif de la région. Nostalgie quand tu nous tiens.
Mais qui dit fond de vallée s’oblige à compléter le propos en confirmant que la sortie ne sera pas sans effort pour le randonneur. Car voilà donc la première difficulté du jour. Sortir de la combe de La Salette en laquelle se niche Lafare se fait par un PR qui part à l’assaut de Serre de La grange. Il nous fait retrouver les hauteurs après 150 m de dénivelé d’un raidillon malmené par les ruissellements. Il faut lever le genou pour escalader les rochers mis à nu, les racines qui tentent de ralentir l’érosion. Mais l’effort n’est pas insurmontable et d’ailleurs vite surmontés par notre groupe de ce jour dont je n’ai pas encore dit qu’il était constitué de 12 membres amateurs de décor printanier en Luberon.
Cette première difficulté n’ayant été que formalité au randonneur aguerri, le milieu de la journée nous commande de renouveler les calories perdues. Les abords d’un cabanon de vigne nous offrent quelques sièges de fortune pour engloutir cet en-cas qui charge notre sac et auquel l’effort produit nous a donné la convoitise. Trente minutes de pause « entre vigne et garrigue ». Certain chef étoilé a ainsi nommé son établissement (à Pujaut). Pour nous la carte sera moins onéreuse mais tout autant appréciée.
Le départ se fait en descente. Une descente qu’on aurait aimée parfois un peu abrupte après le repas si l’on en juge par les glissades heureusement sans dommage qui on mis les postérieurs à contribution. Et nous voilà franchissant le pont de Roubiol que l’on traverse sous une tonalité estivale. Le paysage est découvert, l’ombrage se fait rare pour remonter vers Roubiol, Les lentilles, Génenton, autant de noms de mas qui nous font dire qu’ils ne se dérangent nullement l’un l’autre dans leur vie domestique tant ils sont espacés dans leur écrin de vignoble.
Dans le dernier tiers de notre parcours nous retrouvons un sentier ombragé, certes plus beaucoup emprunté si l’on en juge par la végétation envahissante. Il circule en fond de vallon au nord des Estaillades. Depuis la reconnaissance de cet itinéraire un pin imposant s’est brisé à mi-hauteur et est venu obstruer le chemin. L’obstacle contourné sans trop de difficulté nous retrouvons les chemins vignerons agrémentés ça et là de leur joli cabanon, avant d’aborder la prochaine difficulté de notre parcours. Un raidillon qui serpente sur un pan de colline manifestement dépeuplé de sa végétation par un incendie quelques années auparavant. Parvenus au sommet, nous retrouvons avec plaisir un décor de pinède intact et plus propice à l’agrément forestier avec un sentier qui circule en crête ombragée. C’est enfin notre descente vers un site que beaucoup découvrent dans la région du Barroux : l’aqueduc à oculus.
Oculus n’étant pas un dignitaire romain mais bien la configuration particulière des arches de cet ouvrage en forme de cercle de pierre. Aqueduc inauguré en 1847 il a été construit pour alimenter le village du Barroux en eau en franchissant le ravin des Gipières à partir de la source Saint-Andéol située à 4km de celui-ci. Détruit en 1945, il ne reste plus qu’une arche en état, sur les trois initiales, pour témoigner de cette curiosité architecturale. L’ouvrage dépassé il nous reste que quelques centaines de mètres pour rejoindre notre point de départ, croisant au passage un pensionnaire du monastère dévalant à vélo le sentier qui nous faisait faire notre dernier effort de la journée. Le cycliste a des allures d’aile volante avec sa chasuble de moine. Une protection céleste empêcha sans doute cette dernière de se prendre dans les rayons. Manifestement la tenue de circonstance ne sortait pas de nos grandes surfaces de sport préférées.
S’estimant quant à eux dans une tenue inadéquate, les randonneurs ont négligé la visite de l’abbaye autant que la boutique recelant divers les produits comestibles pour le corps, quand ce n’est pas pour l’âme, et préféré la glacière version été apportée par Benoît. J’allais dire Saint-Benoît, mais il a encore ses preuves à faire avant de prononcer ses vœux. On l’en remercie encore.
Au plaisir de vous retrouver sur d’autres sentiers, tant que la météo
ne nous cantonne pas en nos abris.
Bruno
16 km et 540 m de dénivelé, non négociables, pour cette balade picturale et accessoirement sportive, mais si peu, en Luberon.